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« Accompagner et développer une nouvelle culture scientifique », la charte Science Ouverte de l’Université PSL

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Le 5 mai 2020 les cheffes et chefs d’établissement de l’Université PSL ont voté la charte « Science Ouverte » de l’université, réaffirmant ainsi leur engagement en faveur du libre accès aux publications scientifiques et de l’ouverture des données. Cette charte dote l’université d’un nouveau cadre pour accompagner le développement de la culture scientifique. Interview de Véronique Stoll (directrice de la bibliothèque de l’Observatoire – PSL, chargée de mission science ouverte pour PSL et co-pilote du Collège données du Comité pour la science ouverte (CoSO)), et d’Anne-Marie Turcan-Verkerk (directrice d’études à l’EPHE – PSL et responsable de la documentation et de la diffusion des savoirs de l’Université PSL).

Véronique Stoll et Anne-Marie Turcan-Verkek

PSL : La Science ouverte ou l’Open Science est un mouvement qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis les années 90. Pourriez-vous en proposer une définition et en rappeler les principes cadres ?

 La Science ouverte entend développer la diffusion sans entrave des résultats de recherches scientifiques, des données brutes, des logiciels et codes source, dès lors qu’ils sont financés par des fonds publics

V. S : La Science ouverte peut se définir comme un mouvement destiné à promouvoir plus de partage et de transparence dans la science. Par commodité, on la réduit souvent aux publications et aux données de la recherche, mais en réalité elle couvre l’ensemble du processus de la recherche, jusqu’à sa diffusion à la société et concerne toutes les disciplines, au niveau mondial.
La Science ouverte entend donc développer la diffusion sans entrave des résultats de recherches scientifiques, des données brutes, des logiciels et codes source, dès lors qu’ils sont financés par des fonds publics (très schématiquement, on pourrait résumer ainsi : Public money ? public data !). Plus accessible, la science se veut aussi plus transparente, plus éthique, plus citoyenne et plus efficace en évitant la déperdition des connaissances.

AMT : Il ne s’agit pas d’un effet de mode : les premières déclarations fondatrices remontent aux années 2002-2003 et ArXiv, l’archive ouverte de prépublications, à 1991 ! Toutefois, depuis 2016, ce phénomène s’accélère et glisse de l’incitation à l’obligation. Citons la loi pour une république numérique (2016), le Plan national pour la science ouverte (2018), et les dispositions prises par les principaux bailleurs de fonds français et européens (ANR, H2020 …).
La science ouverte fédère des intérêts multiples, à la fois politiques ("retour sur investissement" d’une science largement financée sur deniers publics), scientifiques (améliorer l’accès et la réutilisation des résultats et des données) et citoyens (renforcer la crédibilité et le lien entre les chercheurs et la nation à l’heure des fake news !).

PSL : Pourquoi publier une charte Science ouverte de l’Université PSL ?

La charte PSL fixe des objectifs réalistes et atteignables, et continuera à s’étoffer, à mesure que les établissements s’approprieront pleinement les principes de la science ouverte. Il s’agit avant tout d’accompagner et, de développer cette nouvelle culture scientifique !

V. S : Une université telle que PSL a tout avantage à intégrer la science ouverte dans sa stratégie scientifique puisque cela permet :

  1. d’élargir la diffusion de ses résultats de recherche et accroitre sa visibilité académique ;
  2. de faciliter le transfert et la réutilisation des nouvelles connaissances qu’elle produit ;
  3. de contribuer à la construction de savoirs communs.

En France et à l’étranger, le positionnement des établissements de recherche en faveur du libre accès est devenu un enjeu stratégique majeur, qui contribue fortement à renforcer leur visibilité et leur notoriété. Prenons par exemple la Déclaration de la Sorbonne, adoptée par les principaux réseaux académiques de recherche mondiaux lors d’un sommet à Paris en janvier 2020, qui prône le partage des données et appelle avec fermeté les gouvernements à se doter de moyens et d’un cadre juridique clair.
La charte de PSL s’organise principalement autour du libre accès aux publications et de la bonne gestion des données de la recherche.
Elle se fixe des objectifs réalistes et atteignables, et continuera à s’étoffer, à mesure que les établissements s’approprieront pleinement les principes de la science ouverte. Il s’agit avant tout d’accompagner et, de développer cette nouvelle culture scientifique !

Pas de bonne recherche sans une bonne documentation. L’accès aux publications est une garantie de l’excellence de la recherche et de la formation et de l’intégrité scientifique, auxquelles l’université est profondément attachée.


AMT : La plupart des établissements de PSL ont déjà une vive conscience des enjeux de la science ouverte, et c’est pourquoi ils ont souhaité affirmer leur position commune et accompagner encore davantage leurs communautés dans le mouvement d’ouverture complète des données. Celui-ci se heurte, dans certaines disciplines, aux intérêts de grandes maisons d’édition commerciales, et à des critères d’évaluation qui obligent à publier dans telle ou telle revue qui ne serait pas en libre accès. Progressivement, la pleine intégration de la science ouverte dans la stratégie scientifique des universités va faire évoluer les principes d’évaluation des chercheurs, toujours plus qualitatifs, toujours plus liés à l’accès libre aux résultats de la recherche, et du coup pousser les éditeurs à trouver de nouveaux modèles économiques.

Le confinement que nous vivons actuellement montre l’urgence d’une telle évolution : aujourd’hui, étudiants et enseignants chercheurs ne sont pas égaux devant la documentation, les communautés n’ont pas toutes accès aux mêmes bouquets de revues, ouvrages ou bases de données, extrêmement coûteux, que chaque université prend pour son compte. Or la qualité de la recherche dépend étroitement de l’ampleur et de la qualité de l’information scientifique, et, dans certains domaines, de la rapidité de mise à disposition des résultats obtenus par les équipes. On ne fait pas de bonne recherche sans une bonne documentation, et de plus en plus, une bonne documentation en ligne : chacun doit y avoir accès. L’accès aux publications – et donc, si possible, leur ouverture à tous – est une garantie de l’excellence de la recherche et de la formation et de l’intégrité scientifique, auxquelles l’université est profondément attachée.

PSL : La charte prévoit l’ouverture d’un portail d’archives ouvertes HAL – PSL. Pourriez-vous rappeler le fonctionnement de ces portails d’archives ouvertes et les intérêts qu’ils présentent pour la communauté scientifique ?

PSL va se doter d’un portail propre, qui permettra à toutes ses communautés, sans exception, de référencer et déposer leurs travaux. Cette perspective est enthousiasmante. Le portail HAL donnera à lire, voir et entendre tout ce qui fait la riche identité de PSL : la production artistique autant que scientifique, sous toutes ses formes.

V. S : Destinée au dépôt et à la diffusion en libre accès des travaux scientifiques, HAL est l’archive ouverte nationale de référence. Soutenue par les principaux organismes de recherche, elle est devenue incontournable pour le référencement de la production scientifique française, toutes disciplines confondues. Pour un chercheur, un dépôt dans une archive ouverte telle que HAL permet d’augmenter la visibilité et l’impact scientifique de ses travaux, qui seront ainsi mieux référencés, y compris dans des moteurs de recherche de type google/google scholar. On estime qu’un article qui devient disponible en accès ouvert augmente de près de 50% ses chances d’être cité.

HAL propose des services qui contribuent à faciliter la vie du chercheur : CV, extraction pour les rapports d’activités, les compte-rendus d’activités annuels des chercheurs CNRS… HAL offre enfin des garanties en termes d’archivage et de pérennité des fichiers déposés.

A.M.T : La France a la chance d’avoir une archive ouverte nationale, maintenue par le CCSD, HAL. Elle permet à chacun de référencer l’ensemble de sa production, et de déposer le texte intégral de ses articles et ouvrages, mais aussi des contenus audio-visuels. HAL génère des identifiants pour ces contenus, et produit de façon automatisée des métadonnées (par exemple des tables des matières), qui vont permettre ensuite aux utilisateurs d’interroger l’archive ouverte sur des noms d’auteur, de lieu, sur des concepts, sur tout un ensemble de mots-clés. L’archive ouverte devient ainsi un outil de recherche à part entière. Il est donc dans l’intérêt de tous d’y déposer non seulement des références, mais aussi l’intégralité des résultats de la recherche.
C’est pourquoi l’ouverture d’un portail HAL-PSL s’impose aujourd’hui : jusqu’à présent, PSL n’avait qu’une collection HAL qui allait moissonner les portails de ses établissements-composantes. Désormais, l’université va se doter d’un portail propre, qui permettra à toutes ses communautés, sans exception, de référencer et déposer leurs travaux. Cette perspective est enthousiasmante pour PSL, car le portail HAL donnera à lire, voir et entendre tout ce qui fait sa riche identité : la production artistique autant que scientifique, sous toutes ses formes.

PSL : Dans la charte Science ouverte vous rappelez l’engagement de l’Université pour l’application des principes FAIR (Findable, Accessible, Interoperable, and Reusable). Quel accompagnement l’université pourra-t-elle proposer à la communauté scientifique pour la mise en œuvre de ces principes ?

V.S : Au cœur des politiques internationales sur les données, l’acronyme FAIR comprend une déclinaison de quatre principes visant à garantir une bonne gestion des données de la recherche.
Il y a en effet urgence à se préoccuper de la conservation et la bonne gestion des données, dont les volumes ne cessent de croître. Il s’agit d’éviter la perte de données souvent uniques, dans la production desquelles a été investi un fort capital public (financier et humain), en les rendant si possible largement accessibles à la communauté, qui trouve dans leur libre-disposition à la fois un gain de temps et d’argent, si elle souhaite les réutiliser, et le moyen de contrôler et de vérifier des résultats publiés dans les revues scientifiques.

La sensibilisation aux principes FAIR, et à ses éléments constitutifs comme les identifiants pérennes, s’effectue déjà aujourd’hui tant au sein de l’Ecole doctorale que dans les établissements, par des formations appropriées, parfois mutualisées, généralement dispensées par les bibliothèques.

Une priorité sera donc de disséminer la culture de gestion des données, d’appuyer et offrir un soutien pratique aux chercheurs tout au long du cycle de la recherche, en prenant en compte les spécificités disciplinaires. La gestion des données mobilise de nombreuses compétences métiers : chercheurs, informaticiens, juristes, bibliothécaires, archivistes…
La gestion et la diffusion des données est une science à part entière !

A.M.T : L’Ecole des Mines ParisTech - PSL, en lien avec l’URFIST de Paris et le Collège doctoral de PSL, coordonne à PSL la formation des étudiants, mais aussi des chercheurs et de tous les personnels, au processus de publication, à l’archivage dans HAL, en même temps qu’à l’intégrité scientifique.  

Avec l’ouverture du portail HAL-PSL, le pôle de Documentation et diffusion des savoirs accompagnera les communautés qui n’ont pas encore de coordinateur HAL et offrira un suivi individuel à tous ceux qui en auront besoin pour déposer et référencer leurs travaux. Cette aide personnalisée et attentive aux spécificités de chacun permettra de doter PSL d’une archive ouverte vraiment représentative, mettant à disposition l’intégralité des productions de l’université, et qui sera ainsi pour tous les internautes un instrument de travail de qualité.

La charte Science ouverte de l’Université PSL

L’Université PSL entend promouvoir une recherche de haute qualité, répondant à une exigeante intégrité scientifique, dont les résultats et les données seraient le plus largement possible accessibles. Elle s’inscrit pleinement dans une science dite « ouverte » soutenant le partage des savoirs à des fins de validation et d’intégrité des pratiques scientifiques, ainsi que la valorisation et la réutilisation des données produites lors de projets de recherche.
L’Université PSL adhère pleinement à l’appel de Jussieu « pour la science ouverte et la bibliodiversité » (2017) , au Plan national pour la Science ouverte (PNSO)  publié par le MESRI en 2018, et à la Feuille de route du CNRS publiée en novembre 2019  qui ont fixé les ambitions et les objectifs nationaux en matière d’ouverture des résultats scientifiques. Elle soutient les initiatives de ses établissements-composantes dans ce domaine et a souhaité se doter d’une charte science ouverte, afin d’assurer une large diffusion des résultats de la recherche et d’accroître sa visibilité académique.


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