Formation

Le Master IOES convoque pluridisciplinarité et pédagogie inversée pour enseigner les sciences sociales de l’économie

Le

Croiser les regards des sciences sociales sur les questions économiques et initier à la recherche scientifique en s’inspirant des principes de la pédagogie inversée, c’est ce que propose pour la rentrée 2018-19 le nouveau Master pluridisciplinaire « Institutions, Organisations, Economie et Société » (mention Sciences économiques et sociales) porté par Paris-Dauphine, l’EHESS et MINES ParisTech.

Etudiants en cours à l'Université Paris-Dauphine membre de l'Université PSL

Interview d'Eve Chiapello (Directrice d’études à l’EHESS), et de Paul Lagneau-Ymonet (Maître de conférences à Paris-Dauphine), tous deux co-responsables du Master, autour de cette nouvelle formation par la recherche et pour la recherche.

 

PSL : Le Master IOES est une nouvelle formation de l’Université PSL qui semble sans équivalent. Pourquoi avoir initié ce nouveau cursus ?

Pour décrire, expliquer, comprendre, critiquer les économies contemporaines … les étudiants doivent apprendre comment les historiens, les économistes, les sociologues, les politistes, les chercheurs en management travaillent.

Paul Lagneau-Ymonet : Oui, c’est un Master original en France et, sans doute, en Europe aussi. Il propose une formation pluridisciplinaire, avec des cours théoriques conçus et dispensés par des binômes ou trinômes d’enseignants de disciplines distinctes (une économiste et un sociologue par exemple), des enseignements plus techniques (programmation, économétrie, archives, etc.) et une riche collection de séminaires. Notre objectif, c’est que les étudiants acquièrent les connaissances et les méthodes indispensables pour développer leurs esprits scientifiques et construire leurs projets professionnels.


Eve Chiapello : D’ordinaire, les cloisonnements disciplinaires tendent à impliquer le morcellement des approches. Un même objet comme le salaire s’étudie en histoire, en économie, en sociologie, en science politique, en management ; les résultats établis dans chaque discipline restent, la plupart du temps, inconnus des autres. Pour décrire, expliquer, comprendre, critiquer les économies contemporaines, nous avons besoin de savoir à quelles conditions nous pouvons mobiliser ces savoirs épars. C’est pourquoi les étudiants doivent apprendre comment les historiens, les économistes, les sociologues, les politistes, les chercheurs en management travaillent. Ainsi, ils pourront éviter deux écueils – le syncrétisme et l’hyperspécialisation disciplinaire – pour mener leurs propres recherches, en connaissance de cause. C’est en partant de ces constats que nous avons imaginé le Master IOES. Grâce aux collègues de Paris-Dauphine (laboratoires DRM et IRISSO, DIAL) et de MINES ParisTech (CGS, CSI), nous actualisons ce qui a fait la marque de fabrique de l’EHESS : la pluridisciplinarité dans les enseignements, l’interdisciplinarité dans la recherche.

PSL : Quelles disciplines et quels métiers exerceront selon vous vos futurs étudiants à l’issue du Master ? Y a-t-il un parcours dont vous seriez particulièrement fiers et que vous considéreriez comme un succès ?

EC : Bien sûr nous voulons aider de jeunes gens à embrasser, dans les meilleures conditions, des carrières scientifiques, à l’université, dans des centres de recherche, en France comme à l’étranger. C’est pourquoi le master propose des cours en anglais et la préparation d’une certification de langue. Cela dit, j’espère que nous formerons aussi des gens qui contribueront à penser et faire advenir d’autres manières de produire, d’échanger.
PLY : Il est tout de même une évidence qu’il convient de rappeler : former des étudiants à l’esprit scientifique, c’est leur permettre d’acquérir une tournure d’esprit qui n’est pas réservée au monde de la recherche. Savoir formuler un problème, mener une analyse, ça peut toujours servir, non ? Le rôle des institutions d’enseignement, c’est non seulement transmettre des savoirs qui pourront servir, mais aussi promouvoir chez les étudiants des façons de penser, de se comporter qui transcendent leurs intérêts particuliers. Sinon, nous trahissons les valeurs de l’université : la justice pour principe, la vérité pour base et la liberté pour but.

PSL : Quels seraient vos conseils aux étudiants qui préparent leurs candidatures ?  

Lors de l’oral d’admission, nous accordons une grande importance à la façon dont les candidats manifestent leur intérêt pour la recherche.

PLY : Il faut qu’ils prennent le temps de bien comprendre la formation. Elle est composée de cours conceptuels et d’enseignements méthodologiques comprenant de façon obligatoire, mais non exclusive, le maniement de données statistiques et d’outils numériques. Il faut donc des étudiants qui ont envie de cela.


EC : Oui, les futurs candidats doivent prendre très au sérieux le projet de recherche de quelques pages que nous leur demandons. Il ne s’agit pas d’un simple exercice de forme. Lors de l’oral d’admission, nous accordons une grande importance à la façon dont le candidat ou la candidate manifeste au travers de cet exercice son intérêt pour la recherche et sa compréhension de ce que cela implique. Cela peut se voir dans la façon dont est présenté le projet, sa problématique, les éléments de réponses apportés, le rapport à la littérature sur le sujet,... Il est essentiel pour nous que chaque étudiant, même s’il ou elle ne veut pas faire de la recherche après, adhère à cette démarche scientifique. Elle sera au cœur de sa préoccupation pendant les deux ans du Master.

PSL : Quel sera votre message de bienvenue aux futurs recrutés ?

Vous êtes les premiers producteurs de la formation que vous allez suivre, ne soyez pas passifs, appropriez-vous ce qu’on vous propose et aidez-nous à en faire un meilleur programme

EC : J’aurai deux messages essentiels : 1/ Vous êtes les premiers producteurs de la formation que vous allez suivre, ne soyez pas passifs, appropriez-vous ce qu’on vous propose et aidez-nous à en faire un meilleur programme – 2/Vous êtes un collectif et vous êtes là pour vous entraider, pour partager et pour apprendre ensemble. Vous apprendrez mieux et plus, et les enseignants apprendront aussi avec vous. J’espère sincèrement que nous aurons des étudiants qui vont travailler ensemble. Tout est à construire et les premières promotions ont une responsabilité particulière. Mais le jeu en vaut la chandelle.


PLY : Oui, je rejoins tout à fait ce que dit Eve. Dans la recherche, comme ailleurs, les rétributions sont individuelles, alors que le travail est lui toujours collectif. Nous avons donc conçu ce Master de manière à apprendre à nos étudiants à travailler en collectif et, réciproquement, à nous obliger nous, enseignants-chercheurs, à travailler en équipe, pour eux et avec eux.