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Mentorat Femmes et Sciences PSL : un programme pour accompagner les jeunes femmes dans leur carrière scientifique et réduire les inégalités

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Pour encourager et accompagner les jeunes femmes scientifiques dans le développement de leurs carrières, un collectif de chercheuses et chercheurs de l’Observatoire de Paris – PSL et de l’École Pratique des Hautes Études – PSL ont mis en place un programme de mentorat Femmes & Sciences PSL. Dix-sept doctorantes bénéficieront de l’encadrement de mentores et mentors de tous horizons. Durant douze mois, en plus de bénéficier d'entretiens individuels avec leur mentore, elles se réuniront une fois par mois pour participer à des ateliers, des formations, des cercles de discussions et des conférences afin d’être accompagnées dans la construction de leur projet de carrière. Interview des membres du comité de pilotage.

Mentorat Femmes et Sciences

PSL : Vous venez de lancer un mentorat Femmes & Sciences PSL, quel a été le constat de départ ? Y’a t-il eu un événement déclencheur ?

Le constat de départ est connu : bien que plus diplômées de l’enseignement supérieur, toutes disciplines confondues, les femmes sont bien moins représentées dans le domaine de la recherche. Elles n’étaient que 28% en 2019 selon les PIST (Principaux indicateurs de la science et de la technologie) publiés par l’OCDE.
Après le doctorat, les conditions d’emploi sont défavorables aux femmes : elles ont 20% de chance en moins par rapport aux hommes d’accéder à un poste équivalent au grade de maître de conférences et subissent des inégalités salariales qui leur coûtent 190 €/mois en moins ! 1 .  
Partant du fait que les hommes et les femmes sont également dotées intellectuellement, collectivement, nous avons affaire à un défaut de participation des femmes, privant ainsi nos communautés de la contribution de collègues compétentes. Individuellement, c’est une injustice que nous souhaitons réparer.

Un élément déclencheur… disons que c'est la rencontre d'une volonté militante partant de la base (personnes qui constituent aujourd'hui notre comité de pilotage) et d'une volonté institutionnelle (pressée par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, art 80) d’établir un plan pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Les planètes se sont alignées en quelque sorte !

Il faudrait préciser ici que si le programme est essentiellement porté par les membres du comité de pilotage, nous avons également reçu le soutien financier, logistique et politique de notre université, PSL et, en particulier, de nos établissements (EPHE – PSL et Observatoire de Paris – PSL). Les membres de l'association Femmes et Sciences nous ont également guidés dans la conception du programme et de son fonctionnement. Au final, nous avons eu tous les moyens nécessaires pour mettre en place un programme qui nous ressemble !

PSL : Quels seront les thèmes et domaines abordés durant les différentes séances de mentorat ?

Les modalités des rencontres varient : cercles de discussion, formations dispensées par des intervenantes/intervenants extérieurs, témoignages de docteures dans des carrières académiques ou dans le monde privé…

En plus des entretiens individuels doctorante-mentore/mentor, chaque mois, nous organisons des réunions collectives autour d’un sujet différent. Il s’agit d’aborder les défis qui se présenteront aux mentorées dans leur carrière professionnelle. On parle de défis personnels : équilibre entre vie privée et vie professionnelle, confiance en soi, prise de décision. Comme de défis professionnels : comment envisager un post-doctorat à l’étranger, comment construire un projet professionnel, quelles sont les perspectives de carrière (académique ou non). Les modalités de ces rencontres peuvent varier. Il s’agit parfois de cercles de discussion, ou de formations dispensées par des intervenantes/intervenants extérieurs, ou encore de témoignages de docteures dans des carrières académiques (en tant qu’ingénieure ou chercheuse) ou dans le monde privé (industrie, ingénierie des données, édition, conseil). On constate qu’en moyenne les femmes souffrent davantage que les hommes de doutes et de manque de confiance en soi, de tendance à sous-estimer leurs capacités, de difficulté à valoriser leurs compétences, ou encore de difficulté à concilier certains choix de carrière et de vie. C’est pourquoi, dans toutes ces réunions, il y a un fil rouge qui est de se poser la question de leur expérience en tant que femmes.
D’ailleurs, la question du genre a été celle que nous avons décidé d’aborder dès la première formation : « Être chercheuse : l’expérience du genre en milieu universitaire », formation délivrée par Clémence Perronnet 2, sociologue, spécialiste du genre dans l’enseignement des sciences. Il était important pour nous de commencer par là, de partir du point de départ que les inégalités qu’elles peuvent subir n’ont rien de naturel, mais sont bien construites socialement et peuvent donc être résorbées !

 

PSL : Qui sont les mentores et mentorées du programme ? Comment ont-elles été choisies ?

Affiche du programme de mentorat Femmes et Sciences PSL 2022

Une caractéristique de notre programme, c’est la grande diversité des thématiques scientifiques couvertes : il y a des SHS (histoire, archéologie, histoire de l’art…) et aussi des sciences dures, soit dans le domaine de la biologie, soit de l’astrophysique. Les mentorées sont des doctorantes de l’Observatoire de Paris - PSL ou de l’École Pratique des Hautes Études - PSL et les mentores sont soit des enseignantes chercheuses ou des enseignants-chercheurs volontaires de chacun de ces deux établissements, soit des professionnelles et professionnels d’autres établissements publics ou privés. Un des objectifs était d’éviter absolument les conflits d’intérêts entre mentore et mentorée. C’est pourquoi PSL constitue l'échelle parfaite pour ce programme, permettant de déployer un mentorat croisé : les doctorantes de l'EPHE sont principalement suivies par des mentores de l'Observatoire et vice versa.
Venant d’établissements différents, pour la plupart, les mentorées et les mentores ne se connaissaient pas. Ainsi, nous avons organisé des mini-rencontres en visioconférence, chaque mentorée a pu échanger pendant 5 minutes avec l’ensemble des mentores/mentors volontaires, afin de choisir la personne qui lui convient le mieux. Des binômes mentore-mentorées, constitués sur la base des affinités, permettent de mettre en œuvre le socle du programme, c’est-à-dire les rencontres individuelles mentore/mentor-mentorées. Elles ont lieu environ une fois par mois, pour échanger sur leurs expériences et recevoir des conseils. Il ne s’agit bien sûr pas du tout de donner des conseils scientifiques sur le projet de thèse, mais d’essayer de répondre à des interrogations, de guider une réflexion sur les choix, les décisions à prendre en ce début de carrière scientifique qu’est le doctorat.

PSL : Est-il encore possible pour une jeune chercheuse de PSL de rejoindre le programme ?

Non, malheureusement, le programme a débuté au mois de janvier et nous ne prenons plus de doctorante pour l’année 2022. La formation des mentores a eu lieu et les binômes sont constitués. Mais étant donné que les thèses se déroulent en général sur trois années, les doctorantes ayant entendu parler de notre programme cette année pourront, pour la plupart, s’y inscrire l’année prochaine, pour l’année 2023. D’ailleurs, nous prévoyons d’élargir le programme à d’autres établissements de PSL. Nous sommes, par exemple, actuellement en discussion avec des collègues de l’ENS - PSL et de l’ESPCI Paris - PSL afin de coopérer pour adapter notre programme de mentorat à leurs établissements, dès 2023.

PSL : Avez-vous un conseil pour une jeune étudiante de master qui hésiterait à s’engager dans un programme doctoral ?

Faire une thèse n’est pas seulement l’ultime diplôme d’un parcours universitaire, c’est avant tout une première expérience professionnelle. Un doctorat permet non seulement d'acquérir des compétences de recherche, mais aussi énormément de compétences transverses. On parle de formation par la recherche, qui peut ouvrir sur une multitude de parcours professionnels, sans se limiter à la carrière universitaire. En tant que jeune femme, vous avez autant d’atouts que les hommes pour y arriver. Et il faut dire que ces dernières années les mentalités évoluent. Nous y travaillons !

 

Les membres du comité de pilotage du mentorat Femmes et Sciences PSL

  • Rhita-Maria Ouazzani, Astronome-adjointe, Observatoire de Paris - PSL
  • Sophie Masson, Astronome-adjointe, Observatoire de Paris - PSL
  • Elsa Huby, Astronome-adjointe, Observatoire de Paris - PSL
  • Sophie Thenet, Directrice d’études, EPHE - PSL
  • Valentine Zuber, Directrice d’études, EPHE - PSL
  • Emmanuel Bellamie, Directeur d’études, EPHE - PSL

 

Notes

1 : Source : MESRI-SIES, Enquête IPDOC 2017

2 : Clemence Perronnet est autrice de La bosse des maths n'existe pas : rétablir l'égalité des chances dans les matières scientifiques, Autrement, 2021