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Questionner la transformation des médias à l’ère du numérique

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Le séminaire PSL « Ecosystème de médias. Approche économique et institutionnelle des médias » a été lancé en octobre 2017 par la chaire MINES ParisTech d’Economie des Médias et des Marques, l’IPJ Paris-Dauphine, le Master Management des télécoms et médias de l'Université Paris-Dauphine, l’EnsAD et La Fémis. Ouvert à tous les enseignants chercheurs de PSL et à leurs étudiants, ce séminaire propose une réflexion interdisciplinaire sur la transformation des médias à l’ère du numérique. Olivier Bomsel, chercheur à MINES Paris Tech, revient sur les grands enjeux et objectifs de ce nouveau séminaire PSL.

Avec les réseaux sociaux, la correspondance se mêle à la publication. Les rythmes de parution s’accélèrent. La notion de protocole éditorial permet de comprendre ce que c’est que publier – construire des représentations sociales – dans des systèmes techniques et temporels différents

PSL : Vous lancez cette année un séminaire PSL intitulé « Ecosystème de médias. Approche économique et institutionnelle des médias ». Quels sont les objectifs de ce séminaire ? A quels publics s’adresse-t-il ?

Olivier Bomsel : L’objet du séminaire est de proposer une réflexion sur la transformation des médias à l’ère du numérique. Ce qui suppose de redéfinir ce qu’on entend par médias. Si on appelle médias, l’ensemble des outils servant à publier, c’est-à-dire à construire des représentations publiques d’institutions, d’objets, de produits, de personnages, de faits sociaux, etc., on se rend compte que beaucoup d’établissements de PSL forment des étudiants à des métiers de médias.
Le séminaire s’adresse à l’ensemble de ces collèges et à leurs étudiants. Il vise à leur offrir un regard différent de celui que leur formation, généralement très orientée, très cloisonnée par les systèmes techniques traditionnels, a vocation à leur fournir. Il requiert de leur part une curiosité, une distance que leur formation ne sollicite pas toujours…

PSL : Le séminaire est le fruit d’une collaboration entre la chaire MINES ParisTech d’Economie des Médias et des Marques, l’IPJ Paris-Dauphine, le Master Management télécoms et médias de l'Université Paris-Dauphine, l’EnsAD et La Fémis. Comment est née l’idée de ce séminaire ? Quelles étaient les premières attentes ?

OB : L’idée du séminaire est née d’une discussion entre Pascal Guénée de l’IPJ de Paris-Dauphine, Henri Isaac du Master Management des télécoms et des médias (master 226) de l’Université Paris-Dauphine et moi. Nous souhaitions développer des axes de collaboration qui puissent consolider des équipes de PSL. Ce séminaire avait l’avantage d’être à la fois transversal, non bureaucratique, ambitieux, visible et opérationnel. Ça n’a l’air de rien, mais c’est original… L’EnsAD et La Fémis vont y participer, chacune dans leur registre. Ce qui est essentiel, c’est l’engagement des collèges pour soutenir l’initiative et mobiliser des étudiants, souvent plus concernés par l’insertion professionnelle, que par une réflexion sur les métiers de médias.

PSL : La notion de « protocole éditorial » est au cœur du séminaire. Pourriez-vous en repréciser les contours ?

OB : La communication recouvre deux types d’opérations : la correspondance qui fait échanger deux agents mutuellement identifiés sur ce qui les intéresse, et la publication qui émet vers des publics indistincts. Pour correspondre, on utilise un protocole : l’un appelle, il s’identifie, l’autre choisit de répondre ou non.
Pour publier, il existe également des protocoles mais qui dépendent de l’émetteur, du statut du message, du système technique en vigueur et du format du message à publier. Jadis, ces protocoles étaient identifiés aux systèmes techniques en place : la presse pour l’actualité, la radio et le disque pour la musique, le cinéma ou la télévision pour le récit audiovisuel, les agences et les régies pour la publicité, etc. Ces systèmes obéissaient à des règles temporelles très rigides : la parution quotidienne, hebdomadaire, les défilés de mode, la sortie en salle, la programmation TV… Avec la numérisation, ces systèmes évoluent, ils s’insèrent dans d’autres, plus vastes. Avec les réseaux sociaux, la correspondance se mêle à la publication. Les rythmes de parution s’accélèrent. La notion de protocole éditorial permet de comprendre ce que c’est que publier – construire des représentations sociales – dans des systèmes techniques et temporels différents.

 

 

PSL : Selon vous, avec l’apparition des réseaux sociaux et des différents espaces de publication numériques, les protocoles éditoriaux peuvent-ils être pensés de manière globale ou va-t-on assister à une juxtaposition des contenus numériques ?

OB : Le mot de contenu est très confondant. Au final, ce n’est que du code numérique. Ce qui produit le sens, c’est la façon de montrer : c’est ce qui sous-tend la célèbre formule de McLuhan, « le message, c’est le média ». La notion de protocole éditorial privilégie l’ingénierie du sens. Comment doit-on montrer un objet, un lieu, un service, un homme public, pour lui faire porter tel ou tel récit, telle ou telle signification ? Quels moyens utiliser ? A quel rythme ? Comment mesurer la valeur économique de cette opération ?

PSL : Les « médias » ont connu ces dernières années une crise de confiance. Selon vous, quelle place la recherche peut-elle prendre, aujourd’hui, pour accompagner la redéfinition de leur rôle et de leur fonction dans la société ?

OB : La crise de confiance des médias est liée à celle des institutions dont ils sont le miroir. Car il faut bien que les gens aient une représentation des règles sociales dans lesquelles ils vivent. Si les gens doutent de la capacité ou de la représentativité des élites qui les dirigent, ils doutent aussi des médias qui les éditent et choisissent de les exposer.Ma contribution au numéro  « Médias entre puissance et influence » dans le n° 41 des Grands dossiers de la diplomatie (octobre-novembre 2017), développe davantage cet argument. Le séminaire est aussi un lieu de discussion de ces questions.

PSL : Y’aura-t-il des suites prévues au séminaire (Colloques, conférences, publications…) ?

OB : Il est trop tôt encore pour en parler. Il faut d’abord qu’il y ait une adhésion réelle des établissements de PSL à cette initiative pour qu’elle puisse aller à son terme. Pour l’instant, nous captons en vidéo chaque séance et l’éditons pour un public plus large sur The Conversation. Pour une deuxième saison, on verra après…

 

 

 

Le séminaire "Ecosystème de médias. Approche économique et institutionnelle des médias" se déroulera sur toute l'année universitaire :